Les préjugés sur l'IA : Entre émotion, emploi, intelligence et poissons rouges !
ChatGPT a débarqué avec fracas, sans crier gare, provoquant un vacarme dans les médias et parmi le grand public, débouchant sur une farandole de bêtises et de préjugés. Spontanément, mon esprit a fait le parallèle avec la célèbre publicité de Cofidis. Encore une pub bien ancrée dans mon esprit ! Vous vous souvenez ? Celle où la facilité d'accès au crédit paraissait si surprenante qu'elle en devenait presque absurde.
Elle jouait habilement sur l'écart entre la réalité et la perception que l'on peut en avoir, tout comme aujourd'hui, les réactions face à l'IA oscillent entre émerveillement technologique, parfois à la limite de l’absurde, et peurs irrationnelles. La capacité de ChatGPT à générer des textes, à dialoguer et à résoudre des problèmes évoque chez certains une vénération presque religieuse, suscitant chez d’autres ignorance et scepticisme.
À travers cet article, je me suis amusé, loin des fantasmes de science-fiction, à démêler les préjugés autour de l’IA, tout en dissipant les brumes de l'ignorance et de la peur.
Vous pensez que l'IA ressent des émotions !
Il est facile de tomber dans le piège de l'anthropomorphisme en attribuant des caractéristiques humaines à ces IA et sur les réseaux sociaux, nous découvrons que les IA peuvent éprouver des sentiments ou posséder une conscience. Cela s’est accentué dernièrement avec la dernière version de 'ChatGPT-4o', qui dialogue en temps réel en imitant des émotions. En moins de 72 heures, plus de 50 posts rivalisant de superlatifs tels que "nouvelle révolution", "waouh", "c’est dingue", "j’ai un nouveau copain"... c’est fascinant de discuter avec une IA capable de ressentir de la joie, de la tristesse ou de l'angoisse et qui ne vous contredit jamais, toujours de bonne humeur !
Allez, je me réveille et je reprends mes esprits ! L'IA fonctionne sur la base de données et d'algorithmes, sans émotions ni conscience. Les systèmes d'IA exécutent des tâches spécifiques pour lesquelles ils sont programmés et ne possèdent pas la compréhension subjective ou les expériences personnelles qui caractérisent les sentiments humains. C'est un peu comme regarder derrière le rideau d’Éric Antoine (magicien) et découvrir qu'il n'y a pas de magie, juste des astuces et des mécanismes bien huilés.
Cette confusion autour de l'émotion et de la conscience de l'IA a débuté par le licenciement, quelques mois avant le lancement de ChatGPT, de Blake Lemoine, l'ingénieur de Google qui avait déclaré qu’il pensait que le robot conversationnel LaMDA était doué de conscience.
Ces cas montrent le danger de surinterpréter les capacités d'une IA, surtout quand ces interprétations sont basées sur des interactions qui, bien que convaincantes, sont uniquement contrôlées par des lignes de code.
Mais soyons clairs : si l'IA simule des processus de décision semblables à ceux des humains, elle ne "comprend" rien ce qu'elle fait de la manière dont nous comprenons nos actions. Elle calcule comme un Shadok qui pompe, sans conscience de ses calculs. Cela nous rappelle que, malgré les apparences, l'IA reste un outil créé par et pour les humains, avec des capacités et des limites définies par ses créateurs.
Vous trouvez cela absurde ? Moi aussi, une IA est dénuée de toute émotion !
Vous pensez que l'IA va remplacer les emplois !
Ce stéréotype alimente la peur que l'IA mènera à un chômage massif en remplaçant le travail humain, et pour la première fois touchera le secteur tertiaire et ses cols blancs. Certains imaginent rester sur leur canapé à regarder des films générés par l’IA tout en touchant un revenu universel pour services rendus au GAFAM.
L'IA peut fragiliser certains emplois, surtout ceux impliquant des tâches répétitives à faible valeur ajoutée ou le traitement et l'analyse des données. Cependant, elle crée également, peut-être, de nouvelles opportunités pour sa gestion, son développement et son contrôle, comme nous l'avons observé précédemment avec l’arrivée des robots dans les usines.
Chaque semaine, une nouvelle étude émerge, semblable à un sondage avant une élection présidentielle, pour évaluer l'impact de l'IA sur l'emploi. Les résultats sont souvent contradictoires, comme un débat entre candidats. Certains chercheurs prédisent des pertes massives d'emplois, tandis que d'autres anticipent une création d'emplois grâce aux nouvelles opportunités qu'apporte l'IA. La vérité est que nous n'en savons rien, à moins d'avoir recours aux prédictions de Ray Kurzweil ou de Madame IrmA lisant dans une boule de silicium.
Ce dont nous sommes certains, cependant, c'est que l'IA impacte les tâches qui constituent nos métiers. Dans ce contexte, d’autres compétences humaines telles que la créativité, l'empathie et le jugement critique deviendront encore plus précieuses... espérons-le ? Plutôt que de remplacer entièrement les emplois, l'IA reconfigure les rôles, nous poussant à nous adapter et à évoluer, ce qui est propre à l’espèce humaine.
Soyons réalistes, une entreprise n'a pas attendu l'IA pour licencier du personnel et réduire ses coûts pour satisfaire ses actionnaires. Par contre, elle a maintenant un nouvel argument à dégainer !
Vous trouvez cela absurde ? Moi aussi, une IA ne nous remplacera pas. Par contre, vous pourriez vous faire remplacer par un collaborateur sachant dompter les IA !
Vous pensez que l'IA est intelligente !
Le préjugé le plus répandu est de croire que l'IA est intelligente, et pour certains, même plus intelligente que les humains. Ce mythe alimente des craintes et des attentes irréalistes quant à ce que les machines peuvent faire.
Les premières confusions remontent au test de Turing, qui considère qu’une machine est "intelligente" si un humain ne peut pas distinguer les réponses entre un humain et une machine. Pourtant, réussir ce test ne signifie pas que la machine est intelligente, mais qu'elle est simplement capable de simuler une conversation humaine. Nicolas Canteloup imite une multitude de personnes, mais acquiert-il pour autant leur intelligence, comme celle de Cédric Villani ? Par ailleurs, Nicolas est certainement très intelligent.
Et comme si ce n’était pas assez complexe, en langue française, il existe une différence linguistique entre "IA" et "AI". En anglais, "AI" (Artificial Intelligence) fait référence à l'intelligence analytique et logique des algorithmes, similaire à celle employée par la CIA (Central Intelligence Agency). En revanche, en français, "intelligence" évoque une intelligence plus globale, englobant l'analyse, la créativité et la pratique comme présenté par la théorie triarchique de Sternberg. Cette perspective pourrait être complétée par l'intelligence émotionnelle, élargissant ainsi le spectre de l'IA pour mieux se rapprocher des intelligences humaines.
Les IA dépassent la grande majorité des humains en intelligence analytique, mais elles ne possèdent pas les autres formes d'intelligence pour le moment, telles que la créativité, la compréhension émotionnelle et la capacité de résoudre des problèmes de manière contextuelle et abstraite. Les algorithmes calculent très bien, mais ils ne font que calculer.
Prenons la star des IA, ChatGPT. Le mot "chat" signifie bavarder, et non être intelligent.
En réalité, les IA sont de formidables outils qui augmentent notre intelligence. Mais elles restent des outils, sans conscience ni véritable intelligence. Et que dire des IA générales ou superintelligentes (ASI) ? Pour le moment, elles ne sont qu'une simple fiction digne des studios d’Hollywood.
Adoptons un regard lucide et critique sur l'IA. Arrêtons de banaliser le mot que nous utilisons et les attentes que nous plaçons dans les technologies d'IA. Plutôt que de les vénérer comme des entités intelligentes égales aux humains, nous devrions les considérer comme des extensions de nos capacités, créées et contrôlées par nous.
Vous trouvez cela absurde ? Moi aussi. L'IA est un formidable outil et certainement le plus puissant que j’ai utilisé dans mon métier, mais elle est loin de posséder une véritable intelligence... humaine.
Vous pensez que l'IA va nous transformer en poissons rouges !
Le poisson rouge qui tourne dans son bocal serait incapable de fixer son attention au-delà de 8 secondes. Et le temps de concentration de la génération des Millenials, celle qui a grandi avec les écrans connectés, serait de 9 secondes. Dans son livre, La civilisation du poisson rouge, Bruno Patino explore cette analogie pour illustrer la tyrannie des technologies numériques sur nos vies.
Sommes-nous en train de devenir des poissons rouges, vidés de notre être, incapables d’attendre ou de réfléchir, reclus dans la transparence, noyés dans un océan de messages générés par des IA, de sollicitations personnalisées pour nous séduire, et prisonniers dans notre confortable bulle d’informations, sous le contrôle des algorithmes ?
Les algorithmes sont conçus pour nous apporter notre dose quotidienne de dopamine par des artifices, mais à quel prix ? Notre capacité à réfléchir profondément, notre esprit critique, notre discernement, et notre singularité disparaissent lentement mais sûrement au fur et à mesure du déploiement silencieux des IA.
Nous avons délégué notre intelligence et nos responsabilités par paresse à des machines que nous pensions plus intelligentes.
Nous voyons déjà les effets sur notre comportement quotidien : nous scrollons sans fin, nous consommons du contenu en morceaux sans aucun recul, nous perdons la capacité à nous déconnecter, préférant discuter avec ChatGPT qu’avec la personne en face de nous.
Vous trouvez cela absurde ? Pas moi. Les IA sont en train d'accélérer la vision prédite par Bruno Patino en 2019 !
Cet article a été adapté pour créer une mini-série de 4 posts sur LinkedIn :
Je constate que les thèmes liés à l'emploi et à l'intelligence ont suscité davantage d'intérêt que ceux concernant les émotions, ou même Régis, mon poisson rouge ! 😢
🎯 Envie d’aller plus loin ?
Dernière mise à jour : 1er septembre 2024