Interview de Fernanda Arreola pour le livre 'L'IA au service du marketing'
En achetant le livre 'L'IA au service du marketing', vous aurez accès à des ressources complémentaires (interviews et prompts). Voici l'interview de Fernanda Arreola ....
Pourriez-vous partager votre toute première expérience avec ChatGPT ?
Fernanda Arreola : Ma première interaction avec ChatGPT fut pour moi une révélation. J'ai été agréablement surprise par la qualité de la réponse, tant en termes de structure que de contenu. Dans mon enseignement, j'apprécie la clarté et la synthèse, ce que j'ai retrouvé dans l'approche de ChatGPT. Cependant, j'ai rapidement réalisé que la technologie avait ses limites, notamment en matière de variabilité des réponses. Mais dans l'ensemble, mon premier contact avec cet outil fut une expérience positive qui m'a amenée à me questionner sur son utilité pédagogique et scientifique.
Comment vos étudiants utilisent-ils ChatGPT ?
Fernanda Arreola : Au départ, j'étais plutôt optimiste, encourageant mes étudiants à explorer diverses sources en ligne pour développer leur pensée critique. Je croyais que mes élèves ne se serviraient pas de ChatGPT de manière inappropriée. En leur posant directement la question, j'ai appris qu'ils l'utilisent, notamment pour des exercices question-réponse et des développements de sujets.
Il est nécessaire de trouver des solutions pour encadrer cet usage. Je n'ai pas encore trouvé la réponse, mais l'analyse des situations dans lesquelles les étudiants utilisent ces technologies pourrait nous éclairer. Par exemple, cette année, j'ai donné à mes étudiants la tâche de créer un business plan, un exercice où ChatGPT serait inutile, car il requiert une pensée originale.
En termes de recherche, ChatGPT ne peut pas remplacer le travail de terrain, mais l'IA en général pourrait nous aider à modéliser des conditions spécifiques. Cela dit, nous, les enseignants-chercheurs, devons améliorer notre compréhension des algorithmes et du machine learning pour créer des terrains de recherche plus sophistiqués.
Certains étudiants sont déjà plus à l'aise avec ces outils que nous, non ?
Fernanda Arreola : La grande majorité de mes étudiants ont déjà expérimenté ChatGPT. Certains l’utilise tous les jours. Ce que je trouve intéressant, c'est leur curiosité innée à pousser les limites de la technologie. Ils posent des questions pertinentes sur l'utilité et les limitations de ces outils. Leur préoccupation ne s'arrête pas à la simple utilisation de la technologie, mais aborde également des questions éthiques. Ils sont conscients que s'ils utilisent ces outils pour produire du contenu, c'est leur nom qui sera associé à ce contenu, pas celui de la machine. Cela soulève des questions de responsabilité qu'ils semblent déjà intégrer dans leur réflexion. Bien sûr, comme enseignante, je reste vigilant sur les problèmes de tricherie, mais il y a quelque chose de positivement stimulant dans leur approche.
Et si on demandait aux étudiants d'expliquer comment ils utilisent l'IA dans leurs projets, pour mettre en avant autant le processus que le résultat ?
Fernanda Arreola : J'ai réfléchi à ce concept dans le contexte familial. Mes enfants m'ont demandé pourquoi apprendre les mathématiques alors que des calculateurs existent. Cette interrogation m'amène à conclure que l'important est le processus pour arriver à une réponse, pas la réponse elle-même. Le questionnement sur ce qui constitue la vérité, la réalité, et les faits doit être perpétuel. C'est un sujet sur lequel j'ai déjà publié un article1.
Dans le cadre de l'entrepreneuriat, il est difficile de se mettre à la place de nos clients potentiels. Nos biais personnels sont souvent des entraves à une compréhension large et profonde. L'intelligence artificielle pourrait nous aider à prendre en compte divers points de vue. Elle pourrait nourrir la réflexion dans des situations comme une réunion de conseil, où des décisions cruciales sont prises. Les limitations actuelles des systèmes d'IA ne permettent pas une telle prise en compte, mais cela représente un développement futur passionnant.
Avec toutes ces avancées technologiques, vous voyez l'avenir comment ?
Fernanda Arreola : Je suis constamment en train d'explorer le potentiel de l'intelligence artificielle avec mes élèves grâce à une approche pédagogique que l'on nomme les "classes inversées". Ce n'est pas seulement un bénéfice pour les élèves, mais aussi une manière pour moi d'étendre mon propre champ de connaissances. Par exemple, nous avons récemment examiné comment l'IA peut faciliter la vie des entrepreneurs, en identifiant une panoplie d'outils utiles pour la gestion des notes de frais, la comptabilité, et même la propriété intellectuelle.
L'IA offre également la possibilité d'effectuer des vérifications de brevets et d'innovations existantes, ce qui évite à mes élèves - et à tout entrepreneur - de perdre du temps sur des idées déjà concrétisées ailleurs. L'essence même de l'entrepreneuriat n'est pas tant dans l'idée, mais plutôt dans sa mise en œuvre effective et sa différenciation sur le marché. Il ne s'agit pas seulement d'avoir une idée lumineuse, mais de savoir orchestrer les ressources nécessaires pour la concrétiser.
Ainsi, la difficulté majeure en entrepreneuriat réside dans la coordination des ressources et la commercialisation. Si un jour l'IA parvient à résoudre ce problème, là oui, je serais véritablement inquiète pour le rôle de l'humain dans la vente et la commercialisation. Mais pour le moment, l'IA sert davantage comme un outil complémentaire, nous permettant de simuler et projeter les implications de nos idées sur des marchés potentiels.
Une citation pour résumer notre échange ?
Fernanda Arreola : "We Don’t See Things As They Are, We See Them As We Are" - Anais Nin (Nous ne voyons pas les choses telles qu'elles sont, nous les voyons telles que nous sommes).
Conseil lecture :
« Le vrai pouvoir, c’est la connaissance. » Cette citation du philosophe Francis Bacon est l’une des maximes préférées des dirigeants. Pourtant, ce que vous « savez » peut en fait constituer un obstacle. Et si ce que vous « savez » vous entravait au lieu de vous aider ? C’est le paradoxe du « je sais tout ».
Article 'Le paradoxe du "je sais tout" de Gregory Unruh et Fernanda Arreola