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Extrait de l'interview de Flavien Chervet pour le livre 'L'IA au service du marketing'

Flavien Chervet : IA Générative et créativité, entre art et algorithme
Extrait de l'interview pour le livre 'L'IA au service du marketing'

Lien vers le livre L'IA au service du marketing
En achetant le livre 'L'IA au service du marketing', vous aurez accès à des ressources complémentaires, dont l'interview complète de Flavien Chervet. Voici un extrait pour vous donner un avant-goût.

Flavien Chervet - Entrepreneur, conférencier sur l’IA générative et la créativité, auteur de Hypercréation paru en 2023 et Hyperprompt, paru en 2024 chez Les éditions Nullius in Verba.

Avec Midjourney, tout le monde peut facilement générer de belles images, mais toi, tu arrives à créer ton propre style facilement identifiable ?

Flavien Chervet : Beaucoup de gens pensent qu'un style, c'est faire des images qui se ressemblent. Mes images ne se ressemblent pas tant que ça, mais il y a des codants extrêmement forts. Par exemple, la peau noire très intense de mes personnages, des éléments d'apparat blancs et des détails dans les décors qui sont jaunes. Ces trois codes forment une identité et une signature. Je peux explorer différentes esthétiques tout en gardant ces codants.

Quand j'entends des personnes dire qu'elles ont essayé d'avoir un style cohérent, elles prennent des images qu'elles aiment bien et les remettent dans la machine pour en produire des similaires. Ça peut correspondre à certains usages, mais je ne pense pas que c'est comme ça qu'on crée un style fort. Il faut vraiment identifier tes codants et les marteler à travers tes visuels.

Je travaille aussi dans des métiers créatifs, notamment le branding. La distinction d'un élément visuel est primordiale dans le branding. Par exemple, il y a quelques années, McDo avait des pubs où il n'y avait rien d'écrit, juste la bordure du sachet de frites. Tu savais que c'était McDo. Moi, dans une dimension plus artistique, j'essaie d'aller chercher ces codes. Dans un an ou deux, si ma posture publique continue à se développer, j'aimerais que juste un doigt de couleur noire avec du vernis jaune suffise pour que les gens se disent, "C'est Flavien Chervet."

Aurélie Jean a déclaré que 'L'IA génère, mais ne crée pas'. Quelle est ta réaction à cette affirmation, surtout à la lumière de ton propre travail sur la créativité ?

Flavien Chervet : Dans mon livre, je défends l'idée que des algorithmes peuvent être créatifs au sens fort du terme, et même avoir une créativité autonome. Je différencie trois types d’algorithmes doués de créativité que j’appelle « C-Borgs » pour « Creative-Borg ». Les algorithmes comme Midjourney sont du type 1. Je suis d’accord qu’ils ne font que générer du contenu en fonction d’intentions humaines.

Ce type d’algorithme restent des outils au service de notre créativité. Ils n’ont pas une élaboration créative. Mais il y a les types II et les types III…  Et ceux-ci peuvent réellement être créatifs. Ils n’apprennent pas le monde à partir des données humaines mais en l’explorant par eux-mêmes et peuvent donc découvrir des rapports au monde que nous n’aurions jamais imaginé. Justement parce qu’ils ne sont pas humains, ils peuvent être particulièrement créatifs en découvrant ce que nous ne pouvons pas voir !

Cette réalité va être très difficile à accepter car nous sommes dans une société judéo-chrétienne, où la création est associée à Dieu et à l'ordre du mystique. C’est le « Que la lumière soit » initial… !

 

Notre société a longtemps vu la créativité comme une sorte de don divin, presque mystique. Le poète est inspiré par les muses qui déposent le messages des dieux dans son esprit. Ce romantisme culturel, qui voit l'artiste comme un traducteur de quelque chose de divin, est en réalité une illusion. La créativité est un processus cognitif que nous commençons à bien comprendre aujourd'hui. J'ai consacré tout un chapitre à ce sujet dans mon livre pour établir une base solide avant de parler des algorithmes créatifs. La créativité n'est pas magique; elle est un processus cognitif de haut niveau qui mobilise de nombreux autres processus cognitifs.

 

Mais en plus, la créativité n'est pas l'apanage de l'humain. La créativité est aujourd’hui définie par la science comme la capacité à réaliser une production à la fois neuve, originale et adaptée. Or on trouve cette capacité chez certains animaux. Des comportements créatifs ont été largement démontrés chez les grands singes, et même chez d'autres grands mammifères comme les éléphants et les baleines. Arthur Koestler, dans son livre 'Le Cri d'Archimède', parle de ces comportements créatifs chez les animaux. L'évolution elle-même est un processus créatif qui, par sa structure, donne naissance à une diversité d'espèces originales et adaptées à leur environnement. La Nature est une excellente créative aveugle !

 

Finalement, cela permet de « naturaliser » la créativité, de l’extraire d’une vision anthropomorphique et de généraliser. Tout à coup, la question des machines créatives devient pensable. La question n'est alors plus seulement de savoir si les machines peuvent être aussi créatives que l'humain, mais même si elles peuvent être… plus créatives que l'humain. Et ma réponse est oui. A découvrir dans mon livre Hypercréation… !

Peux-tu m'expliquer ta démarche créative ?

Flavien Chervet : Ma créativité s'épanouit dans le dialogue, un échange qui était autrefois avec des personnes et des lectures, mais qui est maintenant aussi avec des machines. Je ne commence pas avec une idée préconçue; je plonge dans une intention ou une intuition. L'idée se matérialise progressivement à travers ce dialogue.

Un exemple concret est l'esthétique des peaux noires dans mon travail. Cette direction esthétique a été inspirée par une image que Midjourney m'a envoyée. Cette image a été le point de départ d'une exploration plus large, enrichie par des éléments personnels comme la signification de mon prénom, Flavien, qui vient de "flavus," signifiant jaune en latin.

 

Ce processus de dialogue créatif avec la machine a ouvert un nouveau monde de possibilités pour moi. Lorsque j'entends d'autres créatifs dire que les machines rendent inutile d'avoir des idées, je ne suis pas d'accord. Au contraire, utilisés comme interfaces de dialogues et pas uniquement de génération, ces outils augmentent notre capacité à élaborer des idées, à passer d'une intuition à une création aboutie.

 

Je suis entouré de 10 à 12 systèmes d’IA que j'utilise entre 20 et 30 fois par jour, et je n'ai jamais été aussi créatif. Cette révolution technologique s'aligne parfaitement avec mon mode de fonctionnement créatif, et je suis étonné de ce que j'ai pu accomplir en un an grâce à elle.

Et dans les outils que tu utilises, tu parlais de Midjourney. C'est l'outil principal pour toi ?

Flavien Chervet : Non, mon outil principal reste GPT. Le langage est au cœur de la pensée et pour moi les grands modèles de langues comme GPT sont la colonne vertébrale de l’IA générative.  Mais pour générer des images et arpenter un champ créatif visuel, Midjourney est en effet mon outil de prédilection. J'utilise également l'éditeur de DALL-E ou de Leonardo.ai, notamment pour leur fonctionnalité d’ « outpainting »* plus aboutie que celle de Midjourney.. L’enjeu est alors d’interfacer les IA en fonction de leurs points forts. Par exemple, je peux importer une image créée dans Midjourney, puis la compléter avec des éléments supplémentaires en utilisant des canevas dans Dali.

Je suis très impatient de découvrir Dali 3, qui sera intégré dans les prochains chapitres dans les jours ou semaines à venir. Cela promet d'ouvrir de nouvelles avenues d'exploration créative pour moi. Mais pour l'instant, en ce qui concerne la création visuelle, je suis très attaché à Midjourney. J'ai développé une véritable maîtrise de cet outil, et il répond parfaitement à mes exigences en termes de qualité esthétique.

* Outpainting : technique consistant à étendre les bords d’une image en générant du contenu supplémentaire et cohérent avec l’image.

Les prompts que tu utilises représente-t-elle une complexité technique ?

Flavien Chervet : : La technicité est présente, mais elle est nuancée. Par exemple, dans mon travail avec la haute joaillerie, où j'ai conceptualisé une collection de bijoux inspirée par Gaudi, j'ai intégré des éléments comme la "lumière volumétrique" dans mes prompts. Cette lumière met en valeur les volumes des objets et ajoute une dimension esthétique. Donc, oui, il y a une certaine technicité dans la formulation des prompts, surtout quand je cherche à obtenir des effets visuels spécifiques.

Cependant, la véritable complexité, à mon avis, réside dans la navigation dans l'espace latent* de l'IA. C'est un espace multidimensionnel où, d’une certaine façon, chaque point représente une possibilité créative. Imaginez cet espace comme une galaxie où chaque étoile est une idée ou une image potentielle. Certaines régions sont denses, saturées d'images déjà créées, tandis que d'autres sont plus clairsemées. Le défi est de guider l'IA vers ces zones moins explorées pour faire émerger des esthétiques nouvelles et originales.

C'est là que la technicité prend une autre dimension. Ce n'est pas seulement une question de langage ou de paramètres, mais une exploration conceptuelle. C'est une quête pour trouver des territoires encore vierges dans cet espace latent, et c'est ce que j'essaie de faire avec mes prompts. Je cherche à atteindre des zones qui sont, disons, relativement inexplorées pour y dénicher des éléments véritablement distinctifs.

* L'espace latent est un concept en apprentissage automatique qui désigne un espace multidimensionnel où les modèles d'apprentissage profond organisent et interprètent les données. Dans le contexte de la création d'images ou de textes, il sert à positionner toutes les possibilités créatives en fonction de leur similarité.

Dernière mise à jour : 10 septembre 2024

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