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Interview de Luc Julia pour le livre 'L'IA au service du marketing'

Interview de Luc Julia pour le livre 'L'IA au service du marketing'

Lien vers le livre L'IA au service du marketing

En achetant le livre 'L'IA au service du marketing' du Sylvain Montmory vous aurez accès à des ressources complémentaires, dont l'interview complète de Luc Julia. Voici un extrait pour vous donner un avant-goût.

Luc Julia - Expert international de l’IA, coconcepteur de Siri, ancien vice-président de l’innovation chez Samsung (2012-2021) et actuel directeur scientifique chez Renault. Auteur de plusieurs livres, dont L’intelligence artificielle n’existe pas, paru en 2019 chez First.

L'avenir de l'IA : générale ou spécialisée ? 

Luc Julia : Nous parlons ici d'IA génératives, et non pas d'IA générales, car il faut être clair que l'IA générale n'existera jamais. Historiquement, lorsque de nouveaux types d'IA ont été développés, il a toujours été question de les rendre capables de tout faire. Mais, à mesure que l'on avance, il devient évident que ces IA ne sont pas aussi efficaces lorsqu'on tente de les rendre polyvalentes.

En fait, ces IA tendent à être bien plus performantes lorsqu'elles sont spécialisées, que ce soit par des données spécialisées ou d'algorithmes spécifiquement conçus pour certaines tâches. C'est exactement ce qui se passe avec les modèles génératifs actuels. Au début, nous pensions qu'ils pourraient tout faire, mais nous avons vite réalisé que leur performance était souvent inférieure à nos attentes en matière de pertinence.

Si je comprends bien, tout repose sur la qualité des données fournies au modèle ? 

Luc Julia : Exactement, mais il y a un hic. À l'heure actuelle, nous avons injecté une quantité astronomique de données dans ces modèles, environ 2 700 milliards de données, pour être précis. Donc, on pourrait dire que nous avons tout mis dans le mélange, ce qui signifie qu'il y a à la fois de la haute qualité et, disons, de la moins bonne qualité.

Lorsque vous effectuez du "fine-tuning", vous injectez évidemment les données que vous considérez comme de qualité. Cependant, il est également possible d'alimenter le modèle avec des données de mauvaise qualité. On pourrait très bien fine-tuner un modèle pour qu'il excelle dans la propagation de fake news, par exemple.

Quand on parle de la qualité des données, il s'agit vraiment des données que vous choisissez d'incorporer. Il y a donc une responsabilité inhérente dans ce choix.

Donc, ce que nous faisons, c'est que nous spécialisons ces modèles. En particulier, ces modèles génératifs sont conçus pour être "fine-tunés"1, ou ajustés de façon spécifique. Cela signifie que vous pouvez intégrer vos propres données de manière assez simple, permettant ainsi à l'IA de se concentrer sur des questions très spécifiques. Et ce focus sur des données spécialisées peut grandement augmenter la pertinence de ces modèles, parfois jusqu'à atteindre 99%.

Donc, si vous regardez l'évolution de l'IA au cours des 67 dernières années, ce qui ressort clairement, c'est que les IA deviennent vraiment utiles et se transforment en outils précieux quand elles sont spécialisées.

Je constate une prolifération de contenus probablement générés automatiquement sur internet et les réseaux sociaux. Ma crainte est que si les IA s'appuient sur ces données de faible qualité, cela pourrait déclencher une décadence vertigineuse. Qu'en pensez-vous ? 

Luc Julia : Vous avez mis le doigt sur un risque majeur. Les acteurs dans le domaine de l'IA générative commencent à prendre conscience de ce problème. Malheureusement, certains, sans les nommer, s'en moquent car leur objectif principal est de créer du buzz plutôt que de l'information de qualité. Prenez Google, par exemple, qui était un peu en retard dans ce domaine. Ils viennent d'introduire un modèle appelé SynthID pour tenter de régler ce problème.

Ce que Google fait avec SynthID, c'est marquer le contenu généré par les IA. Pourquoi ? Pour éviter de le réutiliser dans des cycles de formation subséquents. Vous avez raison de dire que si on réutilise du contenu de faible qualité dans l'entraînement, cela risque de créer un cercle vicieux de dégradation de la qualité. D'autant plus que créer du mauvais contenu est souvent plus rapide que de créer du bon, donc ce mauvais contenu pourrait rapidement devenir dominant dans les données d'entraînement des futures IA.

Google a donc pris des mesures pour être plus attentif à cet égard. Ils ont introduit des mécanismes qui "marquent au fer rouge" le contenu généré par les IA, afin de potentiellement éviter son utilisation dans les cycles de formation futurs.

L'IA peut-elle vraiment devenir une aide précieuse pour notre créativité ? 

Luc Julia : Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que l'on parle d'IA générative, et non pas d'IA créative. La créativité reste de la compétence humaine. Ces outils sont donc incroyablement utiles pour générer du contenu. Je crée, à travers ce fameux "prompt", je peux demander des choses amusantes, que ce soit en dessin ou en scénario.

Les scénaristes de Hollywood devraient d'ailleurs tempérer leur inquiétude. Ce que l'IA produit est souvent plat, mais elle peut en produire beaucoup. Je peux prendre ce matériau "plat" et le transformer en quelque chose de bien meilleur. C'est moi qui crée, c'est moi qui utilise l'outil correctement. Avec tout ce qui a été généré, bon ou mauvais, je peux faire quelque chose d'excellent, et je suis celui qui l'a fait.

 

Je crée depuis le prompt. Par exemple, j'ai évoqué l'histoire d'une vache verte escaladant la Tour Eiffel. Les réponses générées peuvent être plates, mais je les utilise pour éveiller ma propre créativité. Ce sont des outils puissants qui peuvent générer des contenus intéressants, et je vais les utiliser pour stimuler ma propre créativité.

La voiture entièrement autonome que nous promet Elon Musk : fiction ou réalité ? 

Luc Julia : L'idée d'une voiture de niveau 5, totalement autonome en toute situation, est un peu comme le mythe de l'IA généraliste. Ce sont des fictions séduisantes, certes, mais qui ne tiennent pas compte de la complexité infinie de la vie réelle. Nous atteindrons probablement le niveau 4, où les véhicules seront presque totalement autonomes mais nécessiteront une forme d'intervention humaine à distance en cas d'exceptions. Imaginez un centre de contrôle où des opérateurs supervisent des milliers de véhicules, prêts à intervenir lorsque l'un d'eux rencontre un cas non prévu. L'autonomie totale est une belle illusion, mais elle masque les nuances et les complexités inhérentes à notre monde.

Dernière mise à jour : 9 septembre 2024

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