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Interview de Nicolas Babin pour le livre 'L'IA au service du marketing'

Nicolas Babin : De l'AIBO à ChatGPT
Extrait de l'interview pour le livre 'L'IA au service du marketing'

Lien vers le livre L'IA au service du marketing
En achetant le livre 'L'IA au service du marketing' de Sylvain Montmory vous aurez accès à des ressources complémentaires, dont l'interview complète de Nicolas Babin. Voici un extrait pour vous donner un avant-goût.

Nicolas Babin
- Entrepreneur, spécialisé dans l’innovation et les technologies numériques. Il a notamment été directeur chez Sony Europe de la robotique et du marketing produit et a participé au lancement d’AIBO, le premier robot destiné au grand public. Auteur du livre Le chien qui parlait paru en 2021. Classé au Top 50 des leaders d’opinion et influenceurs mondiaux sur l’IA 2023 – Thinkers360.

Comment avez-vous fait vos premiers pas dans le monde de l'IA ? 

Nicolas Babin : Mon aventure avec l'IA a débuté en 1996, une période où le terme même d'intelligence artificielle était encore largement méconnu. J'ai eu la chance de collaborer avec Sony sur le projet du robot AIBO, ce petit chien. À cette époque, nous étions des pionniers. Il n'existait pas de système d'exploitation en temps réel, et nous avons dû tout créer de zéro.

Nous avons travaillé sur un système que nous avons développé chez Sony, appelé APERIOS. Ce système permettait aux utilisateurs de programmer des mouvements et des comportements pour AIBO. Nous utilisions des Memory Sticks de 8 mégaoctets pour stocker ces programmes. C'était une époque où Internet n'était pas encore omniprésent, et nous avons dû relever de nombreux défis technologiques.

 

Ce qui me fascine, c'est que cette expérience m'a offert une perspective unique sur l'évolution de l'IA. J'ai vu l'IA passer d'un concept académique à une réalité qui transforme notre monde. C'est ce parcours que j'ai cherché à immortaliser dans mon livre (Le chien qui parlait, une immersion dans les nouvelles technologies), qui retrace l'histoire de l'IA depuis sa naissance à l'université de Dartmouth dans les années 50 jusqu'à nos jours.

Et aujourd'hui, je considère des technologies comme ChatGPT comme les descendants directs de ces premiers pas. Ils sont, si vous le voulez, les petits-enfants de ces premiers robots que nous avons conçus. C'est en comprenant d'où nous venons que nous pouvons mieux anticiper où nous allons.

Votre première réaction face à ChatGPT : évolution logique ou réelle révolution ? 

Nicolas Babin : Ma première impression a été celle d'une évolution naturelle plutôt que d'une révolution, contrairement à ce que Bill Gates a pu proclamer. Pour moi, ChatGPT incarne la continuation logique de ce que nous avons initié en matière d'IA. Il s'agit d'une vision de l'humain augmenté, où la technologie sert l'homme et non l'inverse.

ChatGPT est un outil polyvalent, applicable à une multitude de domaines. J'ai des amis avocats qui me confient qu'ils seraient prêts à investir bien plus que les 20,00$ actuellement demandés pour ce service. "Je paierais 200,00$ par mois", me disent-ils, car cela transforme un processus qui durait plusieurs jours en une tâche qui ne prend que quelques heures. Ce que nous valorisons, c'est l'interaction humaine, le plaidoyer, et ChatGPT nous libère pour nous concentrer sur ces éléments essentiels.

 

Cependant, je ne suis pas naïf. Je collabore actuellement avec la Commission européenne sur la question de l'équilibre entre les avantages et les risques de ces technologies. Il y a toujours des considérations éthiques et pratiques à prendre en compte, comme je l'ai souligné dans un récent article sur LinkedIn intitulé "Balancing Innovation and Responsibility".

Quels sont les risques, selon vous, d’utiliser l’IA pour automatiser du contenu sans supervision humaine, surtout en éducation ?

Nicolas Babin : Je viens d'une famille profondément ancrée dans l'éducation nationale. Wikipédia a déjà été un sujet de débat houleux dans ma famille. Aujourd'hui, les étudiants ont accès à une multitude d'informations en ligne, ce qui peut nuire à la qualité de l'éducation. Par exemple, il est facile de repérer un étudiant qui a simplement copié-collé un article de Wikipédia.

J'ai fait un test avec ChatGPT. J'ai demandé à l'IA de créer une biographie sur moi. Le premier paragraphe était impeccable, mais le deuxième était complètement erroné. Cela montre que si quelqu'un utilise ces informations sans vérification, il peut facilement être induit en erreur.

L'humain doit rester au centre de tout cela. Si vous utilisez simplement le contenu généré par ChatGPT sans discernement, vous risquez de vous tromper. C'est particulièrement vrai dans des domaines sensibles comme le droit ou l'éducation. Les professeurs, par exemple, devraient enseigner aux étudiants comment chercher et vérifier des informations, plutôt que de simplement mémoriser des faits.

Le monde est en pleine transformation, et si nous ne nous adaptons pas, nous sommes voués à l'échec. Que ce soit dans le monde du travail ou dans l'éducation, la technologie peut être un outil puissant, mais elle doit être utilisée judicieusement et avec intelligence !

Existe-il une alternative à cette transformation ? 

Nicolas Babin : Ceux qui ne se transforment pas sont voués à disparaître. Prenons l'exemple du dodo, cet oiseau de l'île Maurice qui n'a pas su s'adapter. Incapable de voler, il est devenu une proie facile pour les colons hollandais et a fini par s'éteindre. Je termine souvent mes conférences en posant cette question : voulez-vous être un dodo ou souhaitez-vous évoluer ?

Depuis l’arrivée de ChatGPT, comment les entreprises réagissent-elles face à l'IA ? 

Nicolas Babin : La technologie est au service de l'homme, mais l'acceptation de ce changement par les dirigeants d'entreprise varie grandement. Ce n'est pas une question d'âge ; j'ai rencontré des chefs d'entreprise de plus de 60 ans prêts à évoluer, tandis que certains jeunes dirigeants résistent au changement.

Les employés, notamment les milléniaux, adoptent ces technologies, mais pas toujours de manière judicieuse. Ils utilisent ChatGPT, s'informent via les réseaux sociaux, mais leur relation avec la technologie est complexe. Ils font partie de ce que j'appelle la "Génération G" — la génération Gamification, la génération Google. Ils sont nés dans le digital, mais leur acceptation de la technologie est nuancée.

Si on voit la technologie comme une menace, on risque de s'en éloigner, ce qui est problématique pour préparer l'avenir. Les entreprises commencent à comprendre qu'elles sont sur une voie dont le retour en arrière n'est pas une option.

Pourriez-vous préciser davantage votre point de vue ? 

Nicolas Babin : Lors d'une conférence à Arcachon, j'ai posé une question à une salle de plus de 500 personnes : « Qui d'entre vous est prêt à abandonner son smartphone aujourd'hui ? » Pas une seule main ne s'est levée.

Nous sommes sur une trajectoire irréversible qui a débuté, en réalité, avec l'invention de la machine à vapeur. Si l'on considère les quatre révolutions industrielles — la première étant celle de la vapeur, suivie de l'électricité, puis de l'informatique et enfin de la robotique — on comprend que chaque étape est une avancée logique de la précédente.

Abandonner une technologie pour revenir à la précédente serait régressif et absurde. Imaginez un instant qu'après avoir adopté la machine à vapeur, nous décidions de revenir aux chevaux ou à la force du vent. Ou encore, qu'après avoir intégré l'électricité dans nos vies, nous revenions à la vapeur. Ce serait inconcevable. Nous sommes sur un chemin qui ne connaît pas de retour en arrière.

Dernière mise à jour : 9 septembre 2024

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